
Özgür Özel, le leader du CHP, principal parti d'opposition turc, prononce un discours devant la foule rassemblée à Ankara, le 14 septembre 2025 ( AFP / Adem ALTAN )
Un tribunal d'Ankara a reporté lundi au 24 octobre sa décision sur une possible destitution pour "fraude" de la direction du principal parti de l'opposition turque, le CHP, offrant un répit à la formation politique visée par des enquêtes et arrestations à répétition.
Mais cette décision est interprétée par des experts comme une stratégie destinée à maintenir sous pression le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), sorti large vainqueur d'élections locales l'an passé, afin d'attiser les divisions en interne.
"Des millions de personnes vous regardent, M. le juge. Votre décision est capitale", avait lancé à l'ouverture de l'audience lundi matin Ugur Poyraz, l'un des avocats du CHP.
Dimanche, des dizaines de milliers de personnes avaient défilé à Ankara pour soutenir le CHP, qui rejette les accusations d'achats de vote lors de son congrès de 2023 qui avait élu l'actuelle direction du parti.
"Ce procès est politique (...), c'est un coup d'État et nous résisterons", a lancé à la foule le patron du CHP, Özgür Özel, affirmant que "la cible n'est pas seulement le CHP, c'est aussi la démocratie en Turquie".
M. Özel, qui a pris en novembre 2023 les rênes d'un parti encore sonné par sa défaite six mois plus tôt à l'élection présidentielle, avait mené le parti vers une éclatante victoire aux élections locales de mars 2024 aux dépens du Parti de la justice et du développement (AKP, islmamo-conservateur) du président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002.

Le siège du Parti républicain du peuple (CHP), principale force de l'opposition turque, le 15 septembre 2025 à Ankara ( AFP / Adem ALTAN )
Mais l'embellie aura été de courte durée : la justice turque a entamé à l'automne 2024 une vague d'arrestations pour "corruption" ou "terrorisme" contre des élus du CHP.
Dix des 26 maires CHP de district d'Istanbul ont été arrêtés depuis et le populaire maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, vu comme le plus sérieux rival du président Erdogan, a lui aussi été placé derrière les barreaux fin mars pour des accusations de "corruption" qu'il rejette.
- "Sans loi ni justice" -
Son arrestation, dénoncée comme un "coup d'État politique" par le CHP, avait provoqué de nombreuses réactions internationales et suscité une contestation inédite dans le pays depuis douze ans.

Des jouranlistes patientent devant un tribunal d'Ankara, lundi 15 septembre, dans l'attente de la décision concernant la direction du CHP ( AFP / Adem ALTAN )
M. Özel tente depuis d'entretenir la fronde, en organisant chaque semaine des rassemblements jusque dans des villes longtemps considérées comme des bastions du président Erdogan.
Son sort paraît cependant extrêmement incertain depuis qu'un tribunal d'Istanbul a destitué le 2 septembre la direction de la branche stambouliote du CHP en raison d'accusations d'achats de votes au cours d'un congrès également organisé en 2023.
Un administrateur désigné par l'Etat a été nommé à la tête de la direction provinciale, un scénario qui pourrait être répliqué à la direction nationale.
"La Turquie est entraînée dans l'abîme par un gouvernement qui dit : +Nous aurons le dernier mot, peu importe pour qui vote le peuple+", a affirmé lundi le porte-parole du CHP Deniz Yücel, fustigeant un gouvernement "incapable de supporter la défaite".
"Je ne veux pas vivre dans un pays sans loi ni justice, où nous ne pouvons pas nous exprimer. C'est pour cela que nous luttons et nous continuerons (de le faire) sans relâche", avait déclaré dimanche à l'AFP à Ankara Songül Akbaba, une retraitée de 51 ans.

Plusieurs dizaines de milliers de sympathisants du CHP, à Ankara le 14 septembre 2025 ( AFP / Adem ALTAN )
Pour de nombreux observateurs, l'affaire s'apparente à une tentative des autorités de transformer le CHP, plus ancien parti politique de Turquie, en une coquille vide, une tentative qui si elle aboutissait porterait un coup sévère au pluralisme dans le pays.
Dans une tentative de protéger sa direction, le CHP a convoqué un congrès extraordinaire le 21 septembre afin de faire réélire Özgür Özel.
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